La bataille entre le Shannon et le Chesapeake
Pendant la première année de la guerre de 1812, la Nouvelle-Écosse reste relativement à l'abri du conflit, mais le 6 juin 1813, le havre d'Halifax est témoin d'un événement marquant.
Quand les États-Unis déclarent la guerre à l’Empire britannique au cours de l’été de 1812, la marine britannique n’est pas inquiète étant donné sa taille et sa force et elle ne se sent nullement menacée par la petite et jeune marine américaine.
Elle doit vite changer d’opinion. Les nouveaux navires américains sont plus rapides et fortement armés. De plus, leurs équipages sont bien entraînés. À la fin de la première année de la guerre, il y a eu cinq batailles navales importantes et la marine britannique les a toutes perdues.
Au début de la deuxième année de la guerre, la marine britannique a grandement besoin d’une victoire. Juste avant de prendre la mer à partir d’Halifax, le capitaine du HMS Shannon, Philip Broke, écrit dans une lettre à sa femme : « Nous devons capturer un de ces gros navires américains et l’envoyer en Angleterre pour que tous le voient » [traduction libre]. C’est ce qu’il fera en trois mois.
Le 1er juin 1813, le HMS Shannon engage la bataille avec le USS Chesapeake au large du havre de Boston. Bien que les deux navires soient de force égale, les Bostoniens croient déjà en une autre victoire américaine et commencent à célébrer avant même le début de la bataille.
Ils ont un tout un choc en voyant la courte mais très sanglante confrontation qui suit. Alors que les canons tonnent et que les équipes d’abordage passent à l’attaque, le capitaine du Chesapeake, James Lawrence, crie à ses hommes de ne pas abandonner le navire, mais c’est en vain. En moins de quinze minutes, le Chesapeake est vaincu dans ce qui reste l’une des batailles les plus sanglantes de l’histoire opposant deux frégates.
Sans perdre de temps, un équipage de prise monte à bord du Chesapeake qui est escorté par le Shannon jusqu’à Halifax où les navires arrivent le 6 juin 1813 avec les survivants de l’équipage du Chesapeake.
Les nouvelles de la victoire britannique couraient déjà dans toute la ville d'Halifax et quand les navires arrivent enfin par un beau dimanche matin ensoleillé, les églises se vident et les rues se remplissent d'Haligoniens fort excités. Parmi les gens qui célèbrent se trouve un adolescent du nom de Thomas Chandler Haliburton, qui deviendra écrivain et juge à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse. Des années plus tard, il décrira la journée dans une lettre disant que les navires avaient été accueillis avec des acclamations emportées et qu’Halifax n’avait jamais connu un tel état d’excitation, ni avant ni après.
Pendant que les marins britanniques participent aux festivités, les blessés des deux camps sont transportés à l’hôpital de la Marine royale. Le capitaine Philip Broke, qui a été gravement blessé durant la bataille, est transporté à la maison du Commissaire. Il se remet de ses blessures et retourne en Angleterre, mais les séquelles de ses blessures sont telles qu’il ne pourra jamais reprendre la mer.
Le capitaine James Lawrence succombe à ses blessures durant le voyage vers Halifax. Il est inhumé avec tous les honneurs dans le cimetière St. Paul (aujourd’hui appelé Old Burying Ground) tout comme son premier officier, mort quelques jours après son arrivée à Halifax. Plus tard, le corps de Lawrence sera exhumé et retourné aux États-Unis.
La victoire remonte le moral des Britanniques et est un point tournant de la guerre navale. Les Américains gagnent quelques batailles par la suite mais de nombreux navires de la marine américaine ne tardent pas à être capturés par les Britanniques ou bloqués dans les ports américains. Un escadron renforcé de la marine britannique basé à Halifax a tôt fait de bloquer tous les ports américains et de faire des raids tout le long de la côte américaine. Une force partie d’Halifax capture et occupe le district de Castine dans le nord du Maine, ce qui fournit une importante source de revenus en droits de douane. Durant ces raids, plus de 2000 Africains retenus en esclavage s’enfuient et retrouvent la liberté. Ils sont nombreux à s’installer en Nouvelle-Écosse. La bataille entre les frégates Shannon et Chesapeake est devenue une icône culturelle du succès en temps de guerre.